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Pourquoi les chiens et les humains s’aiment autant

Vous parlez le chien beaucoup mieux que vous ne le pensez. Vous ne pouvez pas le parler couramment car cela ­nécessiterait d’être un chien. Mais si vous viviez dans un monde réservé aux chiens, vous comprendriez bien ce qu’ils disent. Vous pouvez distinguer un jappement nerveux d’un grognement menaçant, un aboiement qui signifie bonjour d’un aboiement qui vous demande de le laisser tranquille. Vous pouvez lire le langage corporel qui dit qu’il est heureux, triste, fatigué ou encore, qui montre qu’il a peur, qui vous supplie ou qui vous demande de jouer avec lui immédiatement!

Vous pensez que ça ne signifie rien de ­spécifique? Alors dites-moi… à quoi ressemble un oiseau heureux? Un lion triste? Vous ne le savez pas? Mais pourtant vous le savez quand il s’agit du chien et encore plus quand ce chien est le vôtre. Et comme pour votre langue ­maternelle humaine, vous n’avez pas eu à vous forcer pour apprendre à la parler. Vous avez grandi dans un monde où les chiens sont omniprésents et vous avez tout simplement compris.

Cela en révèle beaucoup sur le lien qui unit les humains et les chiens. Nous vivons avec des chats, nous travaillons avec des chevaux, nous louons des vaches pour leur lait et avec des poules pour leurs œufs – à moins de les tuer et de les manger selon nos besoins.

Avec les chiens, les choses sont différentes. Notre monde et leur monde tourbillonnaient il y a longtemps comme deux nuances de ­peinture. Une fois que vous avez obtenu la ­couleur orange, vous ne revenez jamais au rouge et au jaune.

Mais pourquoi? Il ne suffit pas d’affirmer que la relation est symbiotique, que les chiens chassent pour nous et qu’ils nous considèrent comme leur troupeau alors que nous les ­gardons au chaud et les nourrissons en retour. Les requins et les poissons rémoras ont signé un accord similaire : les rémoras éliminent les parasites de la peau du requin et ont droit en retour aux restes des poissons morts du requin. Cet accord sous-marin est entièrement transactionnel; l’amour ne joue aucun rôle. Les humains et les chiens, en revanche, s’adorent.

La relation a commencé il y a... – eh bien, ­personne ne sait exactement quand elle a commencé. Les restes les plus anciens d’êtres humains et de chiens enterrés ensemble remontent à il y a 14 000 ans, mais certaines ­découvertes non confirmées sembleraient s’avérer deux fois plus anciennes. Le point le plus important réside dans la signification des découvertes : nous avons vécu avec des chiens et avons ensuite choisi de nous faire enterrer avec eux. Imaginez ça.

Nos ancêtres ne savaient pas ce qu’étaient les gènes il y a plusieurs millénaires, mais ils ­savaient que de temps en temps, un ou deux charognards de taille moyenne avec un long mufle, venaient fouiner autour de leurs feux de camp, les regardant avec une certaine ­attention, un certain besoin d’amour, et qu’il s’avérait ­terriblement difficile pour eux d’y résister. Alors, ils les ont accueillis pour les mettre à l’abri du froid et ont commencé à les appeler chiens, tandis que certains de leurs parents proches qui ne possédaient pas ce « bon gène » – ceux que nous finirions par appeler loups, chacals, coyotes ou dingos – seraient ­laissés à eux mêmes, devant se frayer un chemin dans la nature où ils étaient nés.

Quand les humains ont eux-mêmes quitté la nature, notre alliance avec les chiens aurait bien pu être dissoute. Si vous n’aviez pas besoin d’un chien de travail – et c’était le cas de plus en plus de personnes –, alors il y avait déséquilibre. Nous avons continué à payer aux chiens leur salaire en nourriture et abris, mais nous recevions peu de choses tangibles en retour. Qu’à cela ne tienne! A ce moment-là, nous étions déjà épris.

Notre langage reflétait à quel point nous étions rendus en amour: le mot « chiot » aurait été adapté du mot français « poupée » – un objet auquel nous prodiguons une affection irrationnelle. Nos histoires folkloriques étaient peuplées de chiens : les Africains ont parlé de ­Rukuba, le chien qui nous a donné le feu; les ­Gallois ont raconté l’histoire du chien fidèle ­Gelert, qui a sauvé le bébé d’un prince des griffes d’un loup. Les aristocrates ont commencé à inclure le chien de famille dans les portraits de famille. Les riches excentriques ont commencé à inclure les chiens dans leurs testaments.

Aujourd’hui, du moins dans les régions peuplées d’êtres humains, le chien est le carnivore terrestre le plus abondant de la planète. Il y en a environ 900 millions dans le monde. La seule espèce qu’est le chien domestique – Canis lupus familiaris – a été subdivisée en centaines de races, sélectionnées pour leur taille, leur tempérament, leur couleur ou leur finesse.

Le propriétaire de chien moyen dépense plus de 2 000 dollars par an en nourriture, en jouets, en soins médicaux, etc., et certaines personnes seraient disposées à payer un prix beaucoup plus élevé. Lorsque l’ouragan Katrina a frappé La Nouvelle-Orléans en 2005, un si grand nombre de personnes ont refusé d’évacuer sans leurs chiens que le Congrès a adopté une loi exigeant des plans de préparation aux catastrophes afin de loger les animaux domestiques.

Ce qui a commencé comme un contrat de services mutuels entre deux espèces très différentes est devenu quelque chose ressemblant beaucoup plus à de l’amour. Cela n’a aucun sens, mais il n’est pas nécessaire qu’il y en ait. L’amour touche rarement les parties du cerveau responsables du raisonnement. Il touche les parties rêveuses, les parties dévouées – il touche les parties que nous appelons parfois le cœur. Depuis des milliers d’années, c’est là que nos chiens ont vécu, et pour encore plusieurs autres, c’est là qu’ils continueront de vivre!